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À TRAVERS LE SUD ORANAIS

en scène dans les pays nouvellement conquis. Après l’Algérie, voici que le Gourara commence à ouvrir les siens.

On ressent du soulagement lorsque, plus engagé dans la vallée de l’oued Dermel, on voit s’écarter les hautes barrières montagneuses. La respiration devient plus libre. Et cependant la nature ne se présente pas sous des aspects plus riches ou seulement moins tristes. À noter toutefois, dans l’alignement à perte de vue des sommets qui tous se ressemblent, le piton de la montagne Verte, lançant haut dans le ciel sa pointe verde-grisée. Rare curiosité apparente d’un pays dont la véritable beauté nous échappe en ce moment : vallées boisées qu’arrosent des rivières jamais à sec, bois ombreux de tamarins toujours verts, édens discrètement cachés au loin et que l’on ne peut deviner de la route, pas plus invisibles d’ailleurs que cette « fontaine des zouaves » qui coule un peu à l’écart, dans un repli du terrain, à l’entrée presque de Djenien.


DJENIEN, LES JARDINS

Enfin le village lui-même apparaît, — si l’on peut appeler ainsi Djenien.

Quelques pauvres habitations d’Européens, également séparées du bordj occupé par le bureau arabe et flanqué des tentes de son maghzen, et de la redoute surgie, à gauche, sur le sol nu d’un mamelon derrière lequel s’étend un superbe jardin.

Et c’est tout. Mais je me rappellerai longtemps l’excellent dîner que je fis, le soir de mon arrivée, à la popote de la compagnie. Vous me direz qu’après une étape de soixante-quatre kilomètres, à cheval, on ne saurait se montrer difficile. Possible ! En tous cas je n’aurais pas changé ma place contre la vôtre, fussiez-vous attablé en quelque cabaret fameux des grands boulevards.

Dans ce malheureux petit coin perdu, sans ressource aucune, on avait trouvé moyen de m’offrir un repas exquis. De la cuisine savoureuse, agrémentée même de pâtisserie. Le « saint-honoré » surtout me sembla incomparable. Un peu comme à la légion étrangère, on déniche de tout, même des cuisiniers, parmi les soldats des bataillons d’Afrique — des chenapans quelquefois, sur les boulevards extérieurs, de précieux « dégourdis »,