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MICHEL ANTAR

rappeler la fuite des heures. C’est à la Saint-Jean que commencent les nuits splendides de l’extrême nord où le soleil ne se couche point, et, même dans nos contrées moins septentrionales, cette nuit de la Saint-Jean est merveilleusement belle et sereine.

Les danses se prolongèrent, joyeuses, jusqu’au matin ; de tous côtés, sur les hauteurs, les feux s’allument, jetant leur éclat mystérieux ; on les alimente de branches résineuses ; les flammes, aux lueurs fulgurantes d’incendie, aux reflets de soleil couchant, s’élèvent de partout, semblent se répondre d’une colline à l’autre et porter aux confins de la terre la bonne nouvelle !

À cette heure de paix, de confraternité, le quatuor, dans une union plus parfaite que jamais, alla jusqu’au sacrifice. Nous étendîmes nos faveurs jusqu’à celles de nos compagnes qui nous étaient le moins sympathiques. La fameuse Emmy, aux yeux sombres sous des sourcils étranges, en accent circonflexe, fut admise à l’honneur de partager nos jeux, d’entrer dans le cercle, de croquer noisettes et nougats.

Nous ne voulions plus laisser en nos jeunes cœurs l’ombre d’une pensée mauvaise, ni rancune, ni défiance. Nous voulions, alors enfermées en un milieu restreint, ne pas faillir à la mission humaine sur la terre : donner le bonheur à pleines mains. Oubliant serments, ligue, ou, plutôt, fidèles à l’esprit d’alliance, y faisant entrer d’autres que les quelques amies choisies que nous étions, nos cœurs embrasés de charité, brûlant de se répandre comme le feu des innombrables étoiles qui éclairent au loin, résolurent, d’un commun accord, d’être bons pour tous, indistinctement. Une ronde immense embrassa la chaîne mouvante des jeunes filles, et puis, s’élargissant, elle admit bientôt, l’un après l’autre, les enfants inconnus, bien ou mal vêtus, pauvres ou riches, heureux ou malheureux. Les mains s’ouvraient grandes, semant friandises et menue monnaie. Il n’y avait pas jusqu’à nos esprits qui n’eussent voulu donner, aux déshérités du sort, les bonnes pensées, les enseignements de sagesse que nous avions reçus dès notre enfance, et nos cœurs, d’une impulsion commune, projetaient sur tous, sans compter, leur divin rayonnement, leur flamme venue d’en haut.

mm(La suite prochainement.)
J. Lermont.mm

À TRAVERS LE SUD ORANAIS


I. — Plus loin qu’Aïn-Sefra.


Le fort d’Aïn-Sefra commande deux directions principales. Il surveille : à l’ouest, les chemins qui mènent droit au Maroc ; au sud, soit la vallée de l’oued Namouss[1] que suivent les caravanes de certaines de nos tribus lorsqu’elles descendent, par les sables de l’Erg, au Gourara, soit le long et périlleux défilé de Founassa qui, contournant le massif du Mekter, traverse la chaîne des Ksour et débouche sur la vallée de l’oued Dermel, route naturelle vers Figuig, Igli et le Touat.

À lui seul, il ne suffirait point pour un rôle aussi important. C’est pourquoi, dès le début, on le lui facilita par l’établissement de quelques sentinelles avancées.

Ce furent, à droite, le poste placé au Ksar de Sfissifa ; celui des Moghar, à gauche ; au centre, enfin, ceux de Hassi Slimane, de Founassa et de Djenien-bou-Rezg, chargés respectivement d’observer l’entrée, le milieu et la sortie du défilé.

Par ailleurs on s’occupa de prolonger la voie ferrée.

Dès lors, les incursions des tribus marocaines diminuèrent, pour cesser peu à peu presque entièrement dans cette région. Si bien qu’en 1894, supprimant tous ces petits

  1. C’est celle que rejoint la voie ferrée d’Aïn-Sefra à Djenien. Elle la quitte, après Moghar, pour rentrer dans la vallée de l’oued Dermel.