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graines accolées face à face et appelées grains de café. Ces graines sont dures, cornées, d’un vert jaunâtre ou grisâtre et ne sont nulle­ ment comestibles dans leur état naturel.

Le caféier, originaire de l’Abyssinie, croît particulièrement dans les provinces d’Enarrea et de Kaffa, d’où son nom, suivant certains étymologistes. Il s’est étendu de là dans l’in­térieur de l’Afrique, jusqu’aux sources du Nil Blanc. Ce n’est que dans le xve siècle que le caféier a été transporté de l’Abyssinie en Arabie, qui est bien vite devenue sa patrie d’adop­tion.

La graine du caféier, dont l’usage est au­jourd’hui universel, contient divers principes, tels que la caféine et l’acide caféique. Elle contient bien autre chose encore, s’il faut en croire certains chimistes, qui affirment y avoir trouvé du cuivre, oui, du cuivre, et en proportions telles que les Européens, qui consomment bien plus de cent millions de kilo­ grammes de café, mangeraient annuellement quelque chose comme deux ou trois cents kilogrammes de cuivre ! Et l’on viendra nous dire ensuite que les savants manquent d’ima­gination. Après tout, qui saura jamais au juste ce qui se passe au fond des cornues ?

Quoi qu’il en soit, ce sont ces principes constitutifs de la graine du caféier (cuivre oui ou non compris) qui, soumis à l’influence d’une torréfaction légère, dégagent cet arôme absolument exquis que tout le monde connaît et apprécie.

Que dire maintenant de cette liqueur qui n’ait été dit ou même chanté par ses dégusta­teurs, lorsqu’ils étaient poètes ? Ce qu’il faut avouer, c’est qu’elle mérite ces éloges, même les plus enthousiastes et les plus dithyram­biques. Cette teinte admirable qui rappelle les tons chauds des régions méridionales, ce parfum pénétrant qui ne le cède guère aux plus fines essences et, par-dessus tout, cette propriété merveilleuse de n’exciter dans l’homme que ses plus nobles facultés, assignent au caféier le premier rang parmi les végétaux qui, d’une manière quelconque, fournissent à l’humanité tel autre délicieux breuvage. Bien supérieur au vin qui enivre, hébète et dégrade ses séides intempérants, le café ne produit d’autre ivresse qu’une ivresse intellectuelle, qu’une surexcitation des organes cérébraux. Aptitudes plus vives à percevoir les sensations, à apprécier les rapports, à élucider les idées, à faire œuvre d’imagination surtout, tels sont les effets de cette exquise boisson que prépare pour nous, là-bas, entre les sables torrides et le ciel de feu de l’Éthiopie et de l’Arabie, la modeste petite graine du coffea arabica. Humble entre les humbles, dure, terne, à demi écrasée, sans parfum et presque sans couleur, elle nous apporte, à nous déshérités de la lumière sous notre ciel brumeux, je ne sais quels lointains mirages et quel monde de rêves où miroitent, ce semble, les reflets du flam­boyant soleil qui l’a mûrie de ses rayons.

Ce sont les Orientaux qui ont introduit en Europe l’usage du café ; mais on ne sait à quelle époque ils connurent eux-mêmes les vertus de cette graine précieuse[1]. Sans énumérer ici, même en les résumant, les nom­breuses traditions suivant lesquelles on a cherché à s’orienter dans cette ténébreuse histoire, arrivons au xvie siècle, où nous trouvons le café apprécié par des populations entières et déjà persécuté par le mahomé­tisme. Les prêtres, en effet, qui en avaient profité les premiers, voyant le peuple déserter les mosquées pour aller encombrer les bou­tiques où l’on en vendait, poursuivirent de leurs anathèmes cette boisson réputée si sainte autrefois. Le café fut assimilé au vin maudit et, par suite, interdit comme liqueur eni­vrante, si bien que l’on bâtonna haut et ferme les appréciateurs trop enthousiastes de l’inno­cente « fève d’Arabie ».

Grâce à cette persécution — semblable à toutes les persécutions qui si vite portent leurs fruits — le café devint de plus en plus populaire. Chacun, naturellement, voulut boire de cette liqueur défendue, qu’il fallait parfois

  1. On raconte diversement la découverte des pro­priétés excitantes du café, et l’on en fait généralement l’honneur à un berger d’Arabie, qui aurait remarqué que ses chèvres manifestaient une vivacité extraordi­naire quand elles avaient mangé des graines de caféier.