Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIII, 1901.pdf/231

Cette page n’est pas destinée à être corrigée.

23 J

JULES VERNE

disque solaire, et encore ne serait-ce possible à le rejoindre, puis à reprendre notre naviga­ que si ses rayons pénétraient à travers les tion au-dessous du barrage, dès que nous aurons construit un radeau...

frondaisons.

— Et comment vivre jusque-là, puis pen­ Tandis que les deux amis échangeaient ces diverses questions auxquelles ils ne savaient dant la descente vers l’Oubanghi ?... objecta comment répondre, Khamis les écoutait sans Max Huber. Nous n’avons plus les ressources prononcer une parole. 11 s’était relevé, il par­ de la chasse... - En outre, fit observer John Cort, de quel courait l’étroite place que ces énormes arbres laissaient libre, entourée d’une barrière de côté chercher le rio Johausen ?... Que nous lianes et de siziphus épineux. En même temps, ayons débarqué sur la rive gauche, je l’ac­ il cherchait à découvrir un coin du ciel dans corde... Mais, avec l’impossibilité de s’orien­ l’intervalle des branches ; il tentait de retrou­ ter, comment affirmer que le rio est dans une ver en lui ce sens de l’orientation qui n’aurait direction plutôt que dans une autre ?...

— Et d’abord, demanda Max Huber, par où jamais occasion pareille de s’exercer utile­ ment. S’il avait déjà traversé les bois du Congo sortir de ce fourré ?...

— Par là », répondit le foreloper.

ou du Cameroun, il ne s’était pas engagé jus­ Et il montrait une déchirure des lianes, par qu’alors au milieu de régions si impéné­ trables. Cette partie de la grande forêt ne laquelle ses compagnons et lui avaient dù pouvait être comparée à celle que ses compa­ être introduits en cet endroit. Au delà se des­ gnons et lui avaient franchie depuis la lisière sinait une sente obscure et sinueuse qui sem­ avant d’atteindre le rio Johausen. A partir de blait praticable aux piétons. Où cette sente conduisait-elle ?... Était-ce ce point, ils s’étaient généralement dirigés vers le sud-ouest. Mais de quel côté était main­ au rio ?... Rien de moins certain... Ne se croi­ tenant le sud-ouest, et l’instinct de Khamis sait-elle pas avec d’autres ?... Ne risquait-on pas de s’égarer dans ce labyrinthe ?.. D’ailleurs, les fixerait-il à cet égard ?...

Mais au moment où John Cort, devinant son avant quarante-huit heures, ce qui restait du hésitation, allait l’interroger, ce fut lui qui buffle serait dévoré... Et après ?... Quant à étancher sa soif, même si on ne retrouvait posa une question :

« Monsieur Max, vous êtes certain d’avoir ni le rio ni aucun de ses affluents, les pluies étaient assez fréquentes pour écarter toute aperçu des indigènes prés du barrage ?...

— Très certainement, Khamis, au moment crainte à cet égard. « Dans tous les cas, observa John Cort, ce où le radeau se fracassait entre les roches.

— Et sur quelle rive ?...

n’est pas en prenant racine ici que l’on se

— Sur la rive gauche.

i tirera d’embarras, et il faut quitter la place...

— Mangeons d’abord », dit Max Huber.

— Vous dites bien la rive gauche ?...

Environ un kilogramme de viande fut par­

— Oui... la rive gauche.

— Nous serions donc dans l’est du rio ?... tagé en trois parts, et chacun dut se contenter

— Sans doute, et, par conséquent, ajouta de ce mince repas !... « Et dire, reprit Max Ilubcr, que nous ne John Cort, dans la partie la plus profonde de la foret... Mais à quelle distance du rio savons même pas si c’est un déjeuner ou un Johausen...

dîner...

— Qu’importe, répliqua John Cort, l’esto­

— Cette distance ne peut être considérable, déclara Max Huber. L’estimer à quelques mac n’a que faire de ces distinctions...

— Soit, mais il a besoin de boire, l’esto­ kilomètres, ce serait exagérer. 11 est inadmis­ sible que nos sauveteurs, quels qu’ils soient, mac, et quelques gouttes du rio Johausen se­ raient accueillies par nous comme le meilleur nous aient transportés loin...

— Assurément, affirma Khamis, le rio ne cru des vins de France !... » Tous trois, assis, mangeaient avidement. peut pas être éloigné, aussi avons-nous intérêt