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LA GRANDE FORET direction générale se maintînt toujours dans le nord-ouest. Ses berges, très accidentées, présentaient une bordure d’arbres énormes, principalement des bombax, dont le parasol plafonnait à la surface du rio. Qu’on en juge ! Quoique la largeur du Johausen n’eût pas diminué, qu’elle atteignît par­ fois de cinquante à soixante mètres, les basses branches de ces bombax se rejoignaient et formaient un berceau de ver­ dure sous lequel murmurait un léger clapotis. Quantité de ces branches, enchevêtrées à leur extrémité, se ratta­ chaient au moyen de lianes ser­ pentantes, pont végétal sur lequel des clowns agiles ou tout au moins des quadru­ manes, auraient pu se trans­ porter d’une rive à l’autre. Les nuages orageux n’ayant pas encore abandonné les basses zones de l’horizon, le soleil embrasait l’espace et ses rayons tombaient à pic sur la rivière. Donc les passagers du ra­ deau ne pouvaient qu’apprécier cette navigation sous un épais dôme de verdure. Elle leur rappelait le cheminement au milieu du sous-bois, le long des passes ombreuses, sans fatigue cette fois, sans les embarras d’un sol embroussaillé de siziphus et autres herbes épineuses. « Décidément, c’est un parc, cette forêt de l’Oubanghi, fit observer John Cort, un parc avec scs massifs arborescents et ses eaux courantes !... On sc croirait dans la région du Parc National des États-Unis, aux sources du Missouri et de la Yellowstone !... — Mais un parc où pullulent les singes, répondit Max Huber. C’est à croire que toute la gent simienne s’y est donné rendez-vous !... Nous sommes en plein royaume de quadru­

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manes, où chimpanzés, gorilles régnent en toute souveraineté ! » Ce qui justifiait cette observation, c’était l’énorme quantité de singes qui occupaient

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les rives, apparaissaient sur les arbres, cou­ raient et gambadaient dans les profondeurs de la forêt. Jamais Khamis et ses compagnons n’en avaient tant vu, ni de si turbulents, ni de si contorsionnistes. Aussi que de cris, que de sauts, que de culbutes, et quelle série de grimaces un photographe aurait pu saisir avec son objectif ! « Après tout, ajouta Max Huber, rien que de très naturel !... Est-ce que nous ne sommes pasau centre de l’Afrique ?... Or, entre les indi­ gènes et les quadrumanes congolais, j’estime que la différence est mince...