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EN FINLANDE


« Chérie,

« Je te souhaite une bonne fête de Noël et beaucoup de cadeaux, mais pas des livres, par exemple ! J’aime bien mieux que tu joues avec moi « kili, kili kas » ou « hippasilla » que de te voir tout le temps absorbée dans tes lectures.

« Je t’aime de tout mon cœur ! Plus que Helmi, plus que Laina, plus qu’Anni, plus que tout le monde, excepté mes parents et Tilda. Chut ! je voulais dire Mlle Mathilde. Ne le répète pas. On trouverait que je manque de respect à notre chère maîtresse ! Elle est charmante, n’est-ce pas ? c’est la meilleure des institutrices. Il n’y en a pas deux comme elle. Au printemps, nous irons ensemble lui chercher les premières anémones des bois.

« Au revoir, chérie. Mange beaucoup de riz et tâche d’avoir la fève.

« Ton amie dévouée.

« Hélène. »


Comme de juste, ces lettres varient à l’infini, selon celles qui les écrivent et celles à qui elles sont destinées. Elles sont accompagnées de menus présents, mais le plus souvent d’images, de versets de la Bible — deux ou trois lignes manuscrites à l’encre d’or — ou de carrés de vélin enjolivés d’enluminures d’un goût plus ou moins heureux. Ces cartes sont d’un envoi commun parmi nous aux approches de Noël, et on les trouve en grande quantité chez les marchands.

Il faut voir les mines des fillettes quand elles reçoivent leurs lettres secrètes. Elles les examinent, elles les soupèsent. Elles les exposent à la transparence d’une fenêtre pour tâcher de déchiffrer un mot par-ci, par-là ; enfin, elles font durer le plaisir le plus possible, jusqu’à ce que leur curiosité prenne le dessus et que la lettre soit ouverte, en dépit des prières et des promesses.

C’est à qui en aura le plus parmi les pensionnaires, et volontiers on fait des bassesses auprès de fillettes à qui, auparavant, on adressait à peine la parole, pour pouvoir ajouter une lettre à sa collection et être la première dans cette lutte d’un nouveau genre.

Décachetés ou non, la veille de Noël, à l’heure dite, on lit fidèlement les messages amicaux, que souvent on sait par cœur, à force de les avoir lus et relus auparavant, mais qui n’en font pas moins de plaisir ce jour-là.

Nous commencions presque à nous trouver trop grandes pour ce genre de passe-temps qui, ordinairement, fait rage aux environs de la douzième année, mais l’envoi d’images, fleurs, versets de la Bible, etc., avec souhaits de Noël et de jour de l’an, est de tous les âges, et nous décidâmes bientôt d’en envoyer à notre chère maîtresse, Mlle Mathilde. Nous étant cotisées, nous, le quatuor, nous mîmes à profit une heure de sortie pour lui acheter une superbe image sur laquelle s’épanouissait toute une bourriche de pensées, à la fois notre symbole et l’emblème des respectueux pensers d’amitié que nous entretenions en nos cœurs pour notre bonne institutrice.

À cela, nous joignîmes une épître longuement méditée, écrite avec une extrême attention pour les t barrés et les points sur les i, et dans laquelle nous exprimions — en vers s’il vous plaît, car la prose nous avait paru trop terne — nos sentiments de reconnaissance pour celle qui consacrait son temps et ses peines à former nos jeunes intelligences. Ils sont très forts les liens qui, en Finlande, unissent les écoliers à leurs maîtres. L’enseignement est considéré comme la plus noble carrière, une œuvre d’amour et de dévouement appelant, en échange, l’amour et la gratitude.

Comment Mlle Mathilde prendrait-elle notre humble offrande ? Trouverait-elle trop grande notre audace, ou serait-elle touchée par notre ardente promesse de toujours bien travailler pour lui prouver notre affection ?

Ô bonheur ! nous ne l’avions point offensée. La veille de Noël, arriva à chacune des affilées du quatuor dans sa famille une lettre de Mlle Mathilde, avec le plus beau cadeau qu’elle pût nous faire : sa photographie. Quelle heureuse surprise pour moi et mes amies !…

Le 20 décembre au matin, après de touchants adieux, je partis donc avec Hélène, ma