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JULES VERNE

qu’on l’fenlèndit appeler à toute voix. Était-il aux prises avec quelque’ fauve ?. :. John Cort et Max Huber coururent dans sa direction, la carabine prête à faire feu... Ils furent bientôt rassurés. Llanga, monté sur un énorme tronc abattu, tendait sa main vers une large clairière, tan­ dis qu’il répétait de sa voix aiguë : « Le rio... ! le rio ! » Khamis venait de les rejoindre, et John Cort de lui dire simplement : « Le cours d’eau demandé. » A un demi-kilomètre, sur un large espace déboisé, serpentait une rivière dont les claires eaux reflétaient les derniers rayons du soleil. « C’est là qu’il faut camper, à mon avis... dit John Cort. — Oui... là... répondit le foreloper,et soyez sûrs que ce rio nous conduira sans fatigue jus­ qu’à l’Oubanghi. » En effet, il ne serait pas difficile d’établir un appareil flottant et de s’abandonner au courant de cette rivière. Il y eut à traverser un terrain très maré­ cageux pour atteindre sa rive gauche. Le cré­ puscule n’ayant qu’une très courte durée en ces contrées équatoriales, l’obscurité était déjà profonde lorsque le foreloper et ses compa­ gnons s’arrêtèrent sur une berge assez élevée. Les arbres étaient rares au long de cette berge, très différente de la berge opposée. Dans l’ombre, se présentaient des masses plus épaisses, en amont et en aval, sur les pentes d’un talus accidenté. Quant à la largeur de la rivière, John Cort l’évalua à une quarantaine de mètres. Ce n’était donc pas un simple ruisseau, mais un affluent d’une certaine importance, dont le courant paraissait rapide.

Mieux valait attendre ail lendemain pour se rendre compte de la situation. Le plus pressé était de trouver un endroit abrité et sec afin d’y passer la nuit. Khamis découvrit à propos une anfractuosité rocheuse, une sorte dr grotte évidée dans le calcaire de la berge, qui suffirait à les contenir tous quatre. On décida d’abord de souper des restes du gibier grillé pour le repas de midi. De cette façon, il ne serait pas nécessaire d’allumer un feu dont l’éclat aurait pu provoquer l’ap­ proche d’animaux redoutables. Crocodiles et hippopotames abondent dans les cours d’eau de l’Afrique. S’ils fréquentaient cette rivière, — ce qui était probable, — autant ne pas avoir à se défendre contre une attaque noc­ turne. Il est vrai, un foyer entretenu jusqu’au jour à l’ouverture de la grotte, donnant force fumée, aurait pu chasser les nuées de mous­ tiques qui pullulaient au pied de la berge. Mais, entre deux inconvénients, il était préfé­ rable de choisir le moindre et de braver plutôi l’aiguillon des maringouins et autres incom­ modes insectes que la double mâchoire des alligators. Pour les premières heures, John Cort se tint en surveillance à l’orifice de l’anfractuosité, tandis que ses compagnons dormaient d’un gros sommeil au milieu du bourdonnement des moustiques. Pendant sa faction, s’il ne vit rien de sus­ pect, du moins à plusieurs reprises crut-il entendre un mot plusieurs fois répété, qui semblait articulé par des lèvres humaines sur un ton plaintif... Et ce mot, c’était celui de « ngora », qui signifie « mère » en langue indigène. J (JL 86 VERNE.

{La suite prochainement.)