Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome VI, 1897.pdf/16

Cette page n’a pas encore été corrigée

12

ACHILLE MÉLANDRI.

des haussements d’épaules m’auraient ré pondu… et peut-être des menaces contre ma personne ! Je me demandais donc si oui ou non j’avais réussi à faire pénétrer chez mes compagnons cette foi dont mon âme était pleine, lorsque le capitaine Len Guy prit la parole : « Dirk Peters, dit-il, aflirmes-tu qu’Arthur Pym et toi, après votre départ de Tsalal, vous avez entrevu des terres dans la direction du sud ?… — Oui… des terres… répondit le métis… îles ou continent… comprenez-moi… et c’est là… je crois… je suis sûr… que Pym… le pauvre Pym… attend que l’on vienne à son secours… — Là où attendent peut-être aussi William Guy et ses compagnons… » m’écriai-je, afin de ramener la discussion sur un meilleur terrain. Et, de fait, ces terres entrevues, c’était un but, un but qu’il serait facile d’atteindre !… L’Halbrane ne naviguerait pas à l’aventure… Elle irait là où il était possible que se fussent réfugiés les survivants de la Jane !… Le capitaine Len Guy ne reprit pas la pa role sans avoir réfléchi quelques instants : « Et au delà du quatre-vingt-quatrième

degré, Dirk Peters, dit-il, est-ce vrai que l’horizon était fermé parce rideau de vapeurs dont il est question dans le récit ?… L’as-tu vu… de tes yeux vu… et ces cataractes aériennes… et ce gouffre à travers lequel s’est perdue l’embarcation d’Arthur Pvm ?… » Après nous avoir regardés les uns les autres, le métis secoua sa grosse tête. « Je ne sais… dit-il. Que me demandezvous, capitaine ?… Un rideau de vapeurs ?… Oui… peut-être… et aussi des apparences de terre vers le sud… » Évidemment, Dirk Peters n’avait jamais lu le livre d’Edgar Poe, et il est même probable qu’il ne savait pas lire. Après avoir commu niqué le journal d’Arthur Pym, il ne s’était plus inquiété de sa publication. Retiré dans l’Illinois d’abord, aux Falklands ensuite, il ne se doutait guère du bruit qu’avait fait l’ou vrage, ni du fantastique et invraisemblable dénouement donné par notre grand poète à ces étranges aventures !… Et, d’ailleurs, ne se pouvait-il qu’Arthur Pym, avec sa propension au surnaturel, eût cru voir ces choses prodigieuses, uniquement dues à sa trop imaginative cérébralité ?… Jules Verne.

(La suite prochainement.)

LE BAS PERCÉ
NOUVELLE ANGLAISE

Ethel était une bonne petite fille, chacun tombait d’accord là-dessus. Malheureusement plusieurs défauts gâtaient ses meilleures qualités. Elle étudiait assez bien, mais elle n’avait pas d’ordre, se montrait étourdie. Les coins des pages de sa grammaire étaient aussi frisés que les boucles de ses cheveux. Ses bottines manquaient souvent de boutons ; le bout de ses doigts sortait par les trous de ses gants. Quant aux travaux d’aiguille, nourrice lui disait que « tous ses doigts étaient des pouces », pour exprimer sa maladresse, et le résultat de ses premiers essais de raccommodage aurait dû la faire rougir jus qu’au blanc des yeux.

Cependant, vers la Noël, ses excellents parents oubliaient volontiers ses menus défauts, remettant à plus tard les réprimandes et les punitions. Ethel était donc libre de faire une véritable litière de houx et de gui dans la salle, de s’y piquer les doigts autant qu’il lui plaisait, de semer de la paille partout excepté là où il eût fallu en mettre, de croquer des raisins secs destinés au pudding, car livres de classe, aiguilles à raccommoder, punitions, tout avait été renvoyé à l’époque où le nouvel an ramènerait les jours de travail.

Le bonhomme Noël avait mitraillé les fenêtres de la nursery à coups de grêlons et de flocons de neige. Les rouges-gorges faisaient