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tes fonctions serviles. Il est le gardien de l’air que nous respirons, il est l’hygiéniste et le chimiste qui veille soigneusement sur la qualité des aliments offerts, toute émanation désagréable décelant la présence de germes suspects ou dangereux. Mais à côté de cette mission pratique il en a une autre qui ne répond à rien. Les parfums sont en tout point inutiles à notre vie physique. Trop violents, trop permanents, ils peuvent même lui devenir hostiles. Néanmoins nous possédons une faculté qui s’en réjouit et nous en apporte la bonne nouvelle avec autant d’enthousiasme et de conviction que s’il s’agissait de la découverte d’un fruit ou d’un breuvage délicieux. Cette inutilité mérite notre attention. Elle doit cacher un beau secret. Voici la seule occurrence où la nature nous procure un plaisir gratuit, une satisfaction qui n’orne pas un piège de la nécessité. L’odorat est l’unique sens de luxe qu’elle nous ait octroyé. Aussi bien semble-t-il presque étranger à notre corps, ne pas tenir fort étroitement à notre organisme. Est-ce un appareil qui se développe ou s’atrophie, une faculté qui s’endort ou s’éveille ? Tout porte à croire qu’il évolue de pair avec notre civilisation. Les anciens ne s’occupaient guère que des bonnes odeurs les plus brutales, les plus lourdes, les plus solides pour ainsi dire, musc, benjoin, myrrhe, encens, etc., et l’arome des fleurs est bien rare-