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nous beaucoup plus perspicaces, si une intelligence d’un ordre différent et servie par un corps si colossal que ses mouvements sont à peu près aussi insaisissables que ceux d’un phénomène naturel, s’amusait à nous tendre des pièges du même genre ? N’avons-nous pas mis quelques milliers d’années à inventer une interprétation de la foudre suffisamment plausible ? Toute intelligence est frappée de lenteur quand elle sort de sa sphère qui est toujours petite, et qu’elle se trouve en présence d’événements qu’elle n’a pas mis en branle. Il n’est pas certain, au surplus, si l’épreuve du treillis se généralisait et se prolongeait, que les abeilles ne finissent point par la comprendre et obvier à ses inconvénients. Elles ont déjà compris bien d’autres épreuves et en ont tiré le parti le plus ingénieux. L’épreuve des « rayons mobiles » ou celle des « sections », par exemple, où on les oblige d’emmagasiner leur miel de réserve dans de petites boîtes symétriquement empilées, ou bien encore l’épreuve extraordinaire de la « cire gaufrée », où les alvéoles ne sont esquissés que par un mince contour de cire, dont elles saisissent immédiatement l’utilité et qu’elles étirent avec soin, de manière à former, sans perte de substance ni de travail,