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formeront devant elle de grands demi-cercles immobiles mais sonores, où elles chantent sans doute l’hymne du bon retour et qui marquent, dirait-on, dans leurs rites royaux, le respect solennel ou le bonheur suprême.

Mais n’espérez pas de les tromper en substituant à la reine légitime une mère étrangère. À peine aura-t-elle fait quelques pas dans la place, que les ouvrières indignées accourront de toutes parts. Elle sera immédiatement saisie, enveloppée et maintenue dans la terrible prison tumultueuse dont les murs obstinés se relayeront, si l’on peut dire, jusqu’à sa mort, car, dans ce cas particulier, il n’arrive presque jamais qu’elle en sorte vivante.

Aussi est-ce une des grandes difficultés de l’apiculture, que l’introduction et le remplacement des reines. Il est curieux de voir à quelle diplomatie, à quelles ruses compliquées, l’homme doit avoir recours pour imposer son désir et donner le change à ces petits insectes si perspicaces, mais toujours de bonne foi, qui acceptent avec un courage touchant les événements les plus inattendus, et n’y voient, apparemment, qu’un caprice nouveau, mais fatal de la nature. En somme, dans toute cette diplomatie et dans le désarroi désespérant qu’a-