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d’une sorte d’inviolabilité la personne de toute reine, quelle qu’elle soit. Il serait facile aux abeilles de percer l’intruse de mille dards empoisonnés ; elle périrait sur l’heure et elles n’auraient plus qu’à traîner son cadavre hors de la ruche. Mais bien qu’elles aient l’aiguillon toujours prêt, qu’elles s’en servent à tout moment pour se combattre entre elles, pour mettre à mort les mâles, les ennemis ou les parasites, elles ne le tirent jamais contre une reine, de même qu’une reine ne tire jamais le sien contre l’homme, ni contre un animal, ni contre une abeille ordinaire ; et son arme royale, qui, au lieu d’être droite comme celle des ouvrières est recourbée en forme de cimeterre, elle ne la dégaine que lorsqu’elle combat une égale, c’est-à-dire une autre reine.

Aucune abeille n’osant, vraisemblablement, assumer l’horreur d’un régicide direct et sanglant, dans toutes les circonstances où il importe au bon ordre et à la prospérité de la république qu’une reine périsse, elles s’efforcent de donner à sa mort l’apparence de la mort naturelle ; elles subdivisent le crime à l’infini, de manière qu’il devienne anonyme.

« Elles emballent » alors la souveraine étrangère, pour me servir de l’expression technique