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quelque façon ; comme ils agissent tous les uns comme les autres avec des forces égales, eussent-ils commencé par se nuire, à force de se nuire ils arriveront bientôt à se nuire le moins possible, c’est-à-dire à s’aider ; ils auront donc l’air de s’entendre et de concourir au même but ; l’observateur leur prêtera bientôt des vues et tout l’esprit qui leur manque, il voudra rendre raison de chaque action, chaque mouvement aura bientôt son motif, et de là sortiront des merveilles ou des monstres de raisonnements sans nombre ; car ces dix mille individus qui ont tous été produits à la fois, qui ont habité ensemble, qui se sont tous métamorphosés à peu près dans le même temps, ne peuvent manquer de faire tous la même chose, et, pour peu qu’ils aient de sentiment, de prendre les habitudes communes, de s’arranger, de se trouver bien ensemble, de s’occuper de leur demeure, d’y revenir après s’en être éloignés, etc., et de là l’architecture, la géométrie, l’ordre, la prévoyance, l’amour de la patrie, la république en un mot, le tout fondé, comme l’on voit, sur l’admiration de l’observateur. »

Voilà une manière toute contraire d’expliquer nos abeilles. Elle peut sembler d’abord