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un certain point, et à leur insu, les farouches guerrières, car elles ne cèdent à aucune force étrangère, et dans leur inconsciente servitude elles ne servent encore que leurs propres lois asservies. Il peut croire qu’en tenant la reine, il tient dans sa main l’âme et les destinées de la ruche. Selon la manière dont il en use, dont il en joue, pour ainsi dire, il provoque, par exemple, et multiplie, il empêche ou restreint l’essaimage, il réunit ou divise les colonies, il dirige l’émigration des royaumes. Il n’en est pas moins vrai que la reine n’est au fond qu’une sorte de vivant symbole, qui, comme tous les symboles, représente un principe moins visible et plus vaste, dont il est bon que l’apiculteur tienne compte s’il ne veut pas s’exposer à plus d’une déconvenue. Au reste, les abeilles ne s’y trompent point et ne perdent pas de vue, à travers leur reine visible et éphémère, leur véritable souveraine immatérielle et permanente, qui est leur idée fixe. Que cette idée soit consciente ou non, cela n’importe que si nous voulons plus spécialement admirer les abeilles qui l’ont ou la nature qui l’a mise en elles. En quelque point qu’elle se trouve, dans ces petits corps si frêles, ou dans le grand corps inconnaissable, elle est