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de miel. Et tant qu’elle est en vie, quel que soit le désastre, le découragement n’entre pas dans la cité des « chastes buveuses de rosée ». Brisez vingt fois de suite leurs rayons, enlevez-leur vingt fois leurs enfants et leurs vivres, vous n’arriverez pas à les faire douter de l’avenir ; et décimées, affamées, réduites à une petite troupe qui peut à peine dissimuler leur mère aux yeux de l’ennemi, elles réorganiseront les règlements de la colonie, pourvoiront au plus pressé, se partageront à nouveau la besogne selon les nécessités anormales du moment malheureux, et reprendront immédiatement le travail avec une patience, une ardeur, une intelligence, une ténacité qu’on ne retrouve pas souvent à ce degré dans la nature, bien que la plupart des êtres y montrent plus de courage et de confiance que l’homme.

Pour écarter le découragement et entretenir leur amour, il ne faut même pas que la reine soit présente, il suffit qu’elle ait laissé à l’heure de sa mort ou de son départ le plus fragile espoir de descendance. « Nous avons vu, dit le vénérable Langstroth, l’un des pères de l’apiculture moderne, nous avons vu une colonie qui n’avait pas assez d’abeilles pour couvrir un rayon de dix centimètres carrés essayer d’éle-