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lable. Elle a une escorte de satellites ou de licteurs, selon l’expression de Pline, qui veille sur elle nuit et jour, facilite son travail maternel, prépare les cellules où elle doit pondre, la choie, la caresse, la nourrit, la nettoie, absorbe même ses excréments. Au moindre accident qui lui arrive, la nouvelle se répand de proche en proche, et le peuple se bouscule et se lamente. Si on l’enlève à la ruche, et que les abeilles ne puissent espérer de la remplacer, soit qu’elle n’ait pas laissé de descendance prédestinée, soit qu’il n’y ait pas de larves d’ouvrières âgées de moins de trois jours (car toute larve d’ouvrière qui a moins de trois jours peut, grâce à une nourriture particulière, être transformée en nymphe royale, c’est le grand principe démocratique de la ruche qui compense les prérogatives de la prédestination maternelle), si, dans ces circonstances, on la saisit, on l’emprisonne, et qu’on la porte loin de sa demeure, sa perte constatée, — il s’écoule parfois deux ou trois heures avant qu’elle soit connue de tout le monde, tant la cité est vaste, — le travail cesse à peu près partout. On abandonne les petits, une partie de la population erre çà et là en quête de sa mère, une autre sort à sa recherche, les guirlandes d’ouvrières occupées