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leurs forces, un peu moins oublieuses d’elles-mêmes, un peu moins ardentes à la peine, elles reverraient un autre printemps et un second été ; mais dans le moment magnifique où toutes les fleurs les appellent, elles semblent frappées de l’ivresse mortelle du travail, et, les ailes brisées, le corps réduit à rien et couvert de blessures, elles périssent presque toutes en moins de cinq semaines.

Tantus amor florum, et generandi gloria mellis,

s’écrie Virgile, qui nous a transmis dans le quatrième livre des Géorgiques, consacré aux abeilles, les erreurs charmantes des anciens, qui observaient la nature d’un œil encore tout ébloui de la présence de dieux imaginaires.

XII

Pourquoi renoncent-elles au sommeil, aux délices du miel, à l’amour, aux loisirs adorables que connaît, par exemple, leur frère ailé, le papillon ? Ne pourraient-elles pas vivre comme lui ? Ce n’est pas la faim qui les presse. Deux ou trois fleurs suffisent à les nourrir et elles en visitent deux ou trois cents par heure