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vrir dans « nos petits points noirs » la grande direction morale, l’admirable sentiment unanime qui éclate dans la ruche. « Où vont-ils ? se demanderait-il, après nous avoir observés durant des années ou des siècles ; que font-ils ? quel est le lieu central et le but de leur vie ? obéissent-ils à quelque dieu ? Je ne vois rien qui conduise leurs pas. Un jour ils semblent édifier et amasser de petites choses, et le lendemain les détruisent et les éparpillent. Ils s’en vont et reviennent, ils s’assemblent et se dispersent, mais on ne sait ce qu’ils désirent. Ils offrent une foule de spectacles inexplicables. On en voit, par exemple, qui ne font pour ainsi dire aucun mouvement. On les reconnaît à leur pelage plus lustré ; souvent aussi ils sont plus volumineux que les autres. Ils occupent des demeures dix ou vingt fois plus vastes, plus ingénieusement ordonnées et plus riches que les demeures ordinaires. Ils y font tous les jours des repas qui se prolongent durant des heures et parfois fort avant dans la nuit. Tous ceux qui les approchent paraissent les honorer, et des porteurs de vivres sortent des maisons voisines et viennent même du fond de la campagne pour leur faire des présents. Il faut croire qu’ils sont indispensables et rendent à