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ailes se glacent et que les fleurs ne s’ouvrent point. À défaut de cette prévoyance, ce serait la famine et la mort. Nul ne viendrait à leur secours et elles n’imploreraient le secours de personne. De cité à cité elles ne se connaissent point et ne s’aident jamais. Il arrive même que l’apiculteur installe la ruche où il a recueilli la vieille reine et la grappe d’abeilles qui l’entoure tout à côté de la demeure qu’elles viennent de quitter. Quel que soit le désastre qui les frappe, on dirait qu’elles en ont irrévocablement oublié la paix, la félicité laborieuse, les énormes richesses et la sécurité, et toutes, une à une, et jusqu’à la dernière, mourront de froid et de faim autour de leur malheureuse souveraine, plutôt que de rentrer dans la maison natale, dont la bonne odeur d’abondance, qui n’est que le parfum de leur travail passé, pénètre jusqu’à leur détresse.

IX

Voilà, dira-t-on, ce que ne feraient pas les hommes, un de ces faits qui prouvent que, malgré les merveilles de cette organisation, il n’y a là ni intelligence, ni conscience véri-