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monie nuptiale de la nature, et il est souvent malaisé de ramener au bien une ruche ainsi dépravée.

V

Tout indique que ce n’est pas la reine, mais l’esprit de la ruche qui décide l’essaimage. Il en est de cette reine comme des chefs parmi les hommes ; ils ont l’air de commander, mais eux-mêmes obéissent à des ordres plus impérieux et plus inexplicables que ceux qu’ils donnent à qui leur est soumis. — Quand cet esprit a fixé le moment, il faut que dès l’aurore, peut-être dès la veille ou l’avant-veille, il ait fait connaître sa résolution, car, à peine le soleil a-t-il bu les premières gouttes de rosée, qu’on remarque tout autour de la ville bourdonnante une agitation inaccoutumée, à laquelle l’apiculteur se trompe rarement. Parfois même on dirait qu’il y a lutte, hésitation, recul. Il arrive en effet que plusieurs jours de suite l’émoi doré et transparent s’élève et s’apaise sans raison apparente. Un nuage, que nous ne voyons pas, se forme-t-il, à cet instant, dans le ciel que les abeilles voient, ou un