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de mai mûrit encore dans ses cuves grandes ouvertes au bord desquelles des cohortes vigilantes entretiennent un courant d’air incessant. Au centre, et loin de la lumière dont les jets de diamants pénètrent par l’unique ouverture, dans la partie la plus chaude de la ruche, sommeille et s’éveille l’avenir. C’est le domaine royal du « couvain » réservé à la reine et à ses acolytes : environ dix mille demeures où reposent les œufs, quinze ou seize mille chambres occupées par les larves ; quarante mille maisons habitées par des nymphes blanches que soignent des milliers de nourrices[1]. Enfin, au saint des saints de ces limbes, les trois, quatre, six ou douze palais clos, proportionnellement très vastes, des princesses adolescentes, qui attendent leur heure, enveloppées d’une sorte de suaire, immobiles et pâles, étant nourries dans les ténèbres.

IV

Or, au jour prescrit par « l’esprit de la ruche », une partie du peuple, strictement déter-

  1. Les chiffres que nous donnons ici sont rigoureusement exacts. Ce sont ceux d’une forte ruche en pleine prospérité.