Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nos moelles, dans tous les lobes de notre tête, dans tout le système nerveux de notre corps, que nous sommes créés pour transformer ce que nous absorbons des choses de la terre, en une énergie particulière et d’une qualité unique sur ce globe. Nul être, que je sache, n’a été agencé pour produire comme nous ce fluide étrange, que nous appelons pensée, intelligence, entendement, raison, âme, esprit, puissance cérébrale, vertu, bonté, justice, savoir ; car il possède mille noms, bien qu’il n’ait qu’une essence. Tout en nous lui fut sacrifié. Nos muscles, notre santé, l’agilité de nos membres, l’équilibre de nos fonctions animales, la quiétude de notre vie, portent la peine grandissante de sa prépondérance. Il est l’état le plus précieux et le plus difficile où l’on puisse élever la matière. La flamme, la chaleur, la lumière, la vie même, puis l’instinct plus subtil que la vie et la plupart des forces insaisissables qui couronnaient le monde avant notre venue, ont pâli au contact de l’effluve nouveau. Nous ne savons où il nous mène, ce qu’il fera de nous, ce que nous en ferons. Ce sera à lui de nous l’apprendre quand il régnera dans la plénitude de sa force. En attendant, ne pensons qu’à lui donner tout ce qu’il nous