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de notre imagination, nous avons toujours été livrés à nous-mêmes et à nos seules ressources. C’est par nos efforts les plus humbles que nous avons réalisé tout ce qui a été fait d’utile et de durable sur cette terre. Libre à nous d’attendre le mieux ou le pire de quelque accident étranger ; mais à la condition que cette attente ne se mêle pas à notre tâche humaine. Ici encore les abeilles nous donnent une leçon excellente, comme toute leçon de la nature. Pour elles, il y eut vraiment une intervention prodigieuse. Elles sont livrées, plus manifestement que nous, aux mains d’une volonté qui peut anéantir ou modifier leur race et transformer leurs destinées. Elles n’en suivent pas moins leur devoir primitif et profond. Et ce sont précisément celles d’entre elles qui obéissent le mieux à ce devoir qui se trouvent le mieux préparées à profiter de l’intervention surnaturelle qui élève aujourd’hui le sort de leur espèce. Or, il est moins difficile qu’on ne croit de découvrir le devoir invincible d’un être. On peut toujours le lire dans l’organe qui le distingue et auquel sont subordonnés tous les autres. Et de même qu’il est inscrit sur la langue, dans la bouche et dans l’estomac des abeilles qu’elles doivent produire le miel, il est inscrit dans nos yeux, dans nos oreilles, dans