Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/312

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et abandonne aux ennemis sans forme et sans nom, qui habitent toutes les minutes du temps, tous les mouvements de l’univers, toutes les anfractuosités de l’espace, le passant sans devoirs dans l’association précaire. Ce n’est pas le moment de discuter cette pensée de la nature, ni de se demander s’il convient que l’homme la suive, mais il est certain que partout où la masse infinie nous permet de saisir l’apparence d’une idée, l’apparence prend ce chemin dont on ne connaît pas le terme. Pour ce qui nous regarde, il suffira de constater le soin avec lequel la nature s’attache à conserver et à fixer dans la race qui évolue, tout ce qui a été conquis sur l’inertie hostile de la matière. Elle marque un point à chaque effort heureux, et met en travers du recul qui serait inévitable après l’effort, on ne sait quelles lois spéciales et bienveillantes. Ce progrès, qu’il serait difficile de nier dans les espèces les plus intelligentes, n’a peut-être d’autre but que son mouvement même et ignore où il va. En tout cas, dans un monde où rien, sinon quelques faits de ce genre, n’indique une volonté précise, il est assez significatif de voir certains êtres s’élever ainsi graduellement et continûment, depuis le jour où nous avons ouvert les yeux ; et