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tour. Le bien-être augmente, la construction des cellules s’améliore, la colonie s’accroît. La fondatrice en demeure l’âme et la mère principale, et se trouve à la tête d’un royaume qui est comme l’ébauche de celui de notre abeille mellifique. Ébauche d’ailleurs assez grossière. La prospérité y est toujours limitée, les lois sont mal définies et mal obéies, le cannibalisme, l’infanticide primitifs reparaissent par intervalles, l’architecture est informe et dispendieuse, mais ce qui, plus que tout, différencie les deux cités, c’est que l’une est permanente et l’autre éphémère. En effet, celle des Bourdons périra tout entière à l’automne, ses trois ou quatre cents habitants mourront sans laisser trace de leur passage, tout cet effort sera dispersé, et il n’y survivra qu’une seule femelle qui, au printemps prochain, recommencera dans la même solitude et le même dénuement que sa mère, le même travail inutile. Il n’en reste pas moins que cette fois l’idée a pris conscience de sa force. — Nous ne la voyons pas excéder cette borne chez les bourdons, mais à l’instant, fidèle à sa coutume, par une sorte de métempsycose infatigable, elle va s’incarner, toute frémissante encore de son dernier triomphe, toute-puissante et presque parfaite,