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peu plus sûre et un peu plus heureuse. Il s’agit d’unir idéalement par l’esprit ce qui est réellement séparé par le corps, d’obtenir que l’individu se sacrifie à l’espèce et de substituer ce qui ne se voit pas aux choses qui se voient. Est-il étonnant que les abeilles ne réalisent pas du premier coup ce que nous, qui nous trouvons au point privilégié d’où l’instinct rayonne de toutes parts dans la conscience, n’avons pas encore démêlé ? Aussi est-il curieux, presque touchant, de voir comme l’idée nouvelle tâtonne d’abord dans les ténèbres qui enveloppent tout ce qui naît sur cette terre. Elle sort de la matière, elle est encore toute matérielle. Elle n’est que du froid, de la faim, de la peur transformés en une chose qui n’a pas encore de figure. Elle rampe confusément autour des grands dangers, autour des longues nuits, de l’approche de l’hiver, d’un sommeil équivoque qui est presque la mort.

XI

Les Xylocopes, nous l’avons vu, sont de puissantes abeilles qui taraudent leur nid dans le bois sec. Elles vivent toujours solitaires. Pour-