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à cela près que sa paresse immémoriale lui a fait perdre un à un tous ses instruments de travail et qu’il ne peut plus subsister qu’aux dépens du type laborieux de sa race[1].

Cependant, parmi les abeilles qu’on a appelées d’un nom un peu trop catégorique les Apides solitaires, pareil à une flamme écrasée sous l’amas de matière qui étouffe toute vie primitive, couve déjà l’instinct social. Çà et là, dans des directions inattendues, par éclats timides et parfois bizarres, comme pour le reconnaître, il parvient à percer le bûcher qui l’opprime et qui, un jour, nourrira son triomphe.

Si tout est matière en ce monde, on surprend ici le mouvement le plus immatériel de la matière. Il s’agit de passer de la vie égoïste, précaire et incomplète à la vie fraternelle, un

  1. Exemples. — Les Bourdons, qui ont pour parasites les Psithyres, les Stélides qui vivent au détriment des Anthidies. « On est obligé d’admettre, dit fort justement J. Perez (Les Abeilles) à propos de l’identité fréquente du parasite et de sa victime, on est obligé d’admettre que les deux genres ne sont que deux formes d’un même type, et sont unis entre eux par la plus étroite affinité. Pour les naturalistes qui adhèrent à la doctrine du transformisme, cette parenté n’est pas purement idéale, elle est réelle. Le genre parasite ne serait qu’une lignée issue du genre récoltant, et ayant perdu les organes de récolte par suite de son adaptation à la vie parasitique. »