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l’homme ait domestiquées. Enfin, une dernière observation nous fait voir plus clairement encore, que les mœurs, l’organisation prévoyante de la ruche, ne sont pas le résultat d’une impulsion primitive, mécaniquement suivie à travers les âges et les climats divers, mais que l’esprit qui dirige la petite république sait remarquer les circonstances nouvelles, s’y plier et en tirer parti, comme il avait appris à parer aux dangers des anciennes. Transportée en Australie ou en Californie, notre abeille noire change complètement ses habitudes. Dès la seconde ou la troisième année, ayant constaté que l’été est perpétuel, que les fleurs ne font jamais défaut, elle vit au jour le jour, se contente de récolter le miel et le pollen nécessaires a la consommation quotidienne, et son observation récente et raisonnée, l’emportant sur son expérience héréditaire, elle ne fait plus de provisions pour l’hiver[1]. On ne parvient même à

  1. Fait analogue signalé par Büchner, et prouvant l’adaptation aux circonstances, non pas lente, séculaire, inconsciente et fatale, mais immédiate et intelligente : à la Barbade, au milieu des raffineries où durant toute l’année elles trouvent le sucre en abondance, elles cessent complètement de visiter les fleurs.