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l’esprit d’initiative de l’abeille, de fournir à son intelligence entreprenante l’occasion de s’exercer et de faire de véritables découvertes, de véritables inventions. Ainsi, lorsque le pollen est rare dans les fleurs, les apiculteurs, afin d’aider à l’élevage des larves et des nymphes, qui en consomment énormément, répandent une certaine quantité de farine à proximité du rucher. Il est évident qu’à l’état de nature, au sein de leurs forêts natales ou des vallées asiatiques où elles virent probablement le jour à l’époque tertiaire, elles n’ont jamais rencontré une substance de ce genre. Néanmoins, si l’on a soin d’en « amorcer » quelques-unes, en les posant sur la farine répandue, elles la tâtent, la goûtent, reconnaissent ses qualités à peu près équivalentes à celles de la poussière des anthères, retournent à la ruche, annoncent la nouvelle à leurs sœurs, et voilà que toutes les butineuses accourent à cet aliment inattendu et incompréhensible qui, dans leur mémoire héréditaire, doit être inséparable du calice des fleurs où, depuis tant de siècles, leur vol est si voluptueusement et si somptueusement accueilli.