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bâtir, les naissances diminuent, les morts se multiplient, les nuits s’allongent et les jours s’accourcissent. La pluie et les vents incléments, les brumes du matin, les embûches de l’ombre trop prompte, emportent des centaines de travailleuses qui ne reviennent plus, et tout le petit peuple, aussi avide de soleil que les cigales de l’Attique, sent s’étendre sur lui la menace froide de l’hiver.

L’homme a prélevé sa part de la récolte. Chacune des bonnes ruches lui a offert quatre-vingts ou cent livres de miel, et les plus merveilleuses en donnent parfois deux cents, qui représentent d’énormes nappes de lumière liquéfiée, d’immenses champs de fleurs visitées, une à une, mille fois chaque jour. Maintenant il jette un dernier coup d’œil aux colonies qui s’engourdissent. Il enlève aux plus riches leurs trésors superflus pour les distribuer à celles qu’ont appauvries des infortunes, toujours imméritées, dans ce monde laborieux. Il couvre chaudement les demeures, ferme à demi les portes, enlève les cadres inutiles et livre les abeilles à leur grand sommeil hivernal. Elles se rassemblent alors au centre de la ruche, se contractent et se suspendent aux rayons qui renferment les urnes fidèles, d’où sortira, pen-