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versement des lois heureuses de la cité, chacun des parasites effarés est assailli par trois ou quatre justicières qui s’évertuent à lui couper les ailes, à scier le pétiole qui relie l’abdomen au thorax, à amputer les antennes fébriles, à disloquer les pattes, à trouver une fissure aux anneaux de la cuirasse pour y plonger leur glaive. Énormes, mais sans armes, dépourvus d’aiguillon, ils ne songent pas à se défendre, cherchent à s’esquiver ou n’opposent que leur masse obtuse aux coups qui les accablent. Renversés sur le dos, ils agitent gauchement, au bout de leurs puissantes pattes, leurs ennemies qui ne lâchent point prise, ou, tournant sur eux-mêmes, ils entraînent tout le groupe dans un tourbillon fou, mais bientôt épuisé. Au bout de peu de temps, ils sont si pitoyables, que la pitié, qui n’est jamais bien loin de la justice au fond de notre cœur, revient en toute hâte et demanderait grâce, — mais inutilement — aux dures ouvrières qui ne connaissent que la loi profonde et sèche de la nature. Les ailes des malheureux sont lacérées, leurs tarses arrachés, leurs antennes rongées, et leurs magnifiques yeux noirs, miroirs des fleurs exubérantes, réverbères de l’azur et de l’innocente arrogance de l’été, maintenant