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grès et celui qui se traîne aveuglément à sa suite, n’est pas considérable. Parmi ces jeunes rustres dont le cerveau n’est hanté que d’idées informes, il en est plusieurs où se trouve la possibilité d’atteindre en peu de temps le degré de conscience où nous vivons tous deux. On est souvent frappé de l’intervalle insignifiant qui sépare l’inconscience de ces gens, que l’on s’imagine complète, de la conscience que l’on croit le plus élevée.

« D’ailleurs, de quoi est-elle faite cette conscience dont nous sommes si fiers ? De beaucoup plus d’ombre que de lumière, de beaucoup plus d’ignorance acquise que de science, de beaucoup plus de choses dont nous savons qu’il faut renoncer à les connaître que de choses que nous connaissons. Pourtant, elle est toute notre dignité, notre plus réelle grandeur, et probablement le phénomène le plus surprenant de ce monde. C’est elle qui nous permet de lever le front en face du principe inconnu et de lui dire : Je vous ignore, mais quelque chose en moi vous embrasse déjà. Vous me détruirez peut-être, mais, si ce n’est pour former de mes débris un organisme meilleur que le mien, vous vous montrerez inférieur à ce que je suis, et le silence qui suivra