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pour répandre au village qu’il m’avait surpris dans les bras de ma belle-sœur et que ma mère s’enivrait. Il n’est pas méchant, il ne m’en veut pas ; au contraire, remarquez, son visage s’éclaire d’un bon sourire sincère en me voyant. Ce n’était pas la haine sociale qui le poussait. Le paysan ne hait pas le riche ; il respecte trop la richesse. Mais je pense que mon bon porte-fourche ne comprenait point pourquoi je le soignais sans en tirer profit. Il soupçonne quelque manigance et n’entend pas être dupe. Plus d’un, plus riche ou plus pauvre, avait fait de même avant lui, ou pis. Il ne croyait pas mentir en répandant ses inventions, il obéissait à un ordre confus de la moralité environnante. Il répondait sans le savoir, et pour ainsi dire malgré lui, au désir tout-puissant de la malveillance générale… Mais pourquoi achever un tableau connu de tous ceux qui ont vécu quelques années à la campagne. Voilà la seconde apparence que la plupart appellent la vérité. C’est la vérité de la vie nécessaire. Il est certain qu’elle repose sur les faits les plus précis, sur les seuls que tout homme puisse observer et éprouver.