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propos d’une illusion ne sera pas perdue pour la vérité qui viendra tôt ou tard. C’est avec des mots, avec des sentiments, c’est dans la chaleur développée par d’anciennes beautés imaginaires, que l’humanité accueille aujourd’hui des vérités qui peut-être ne seraient pas nées, et n’auraient pu trouver un milieu favorable, si ces illusions sacrifiées n’avaient d’abord habité et réchauffé le cœur et la raison où les vérités vont descendre. Heureux les yeux qui n’ont pas besoin d’illusion pour voir que le spectacle est grand ! Pour les autres, c’est l’illusion qui leur apprend à regarder, à admirer et à se réjouir. Et si haut qu’ils regardent, ils ne regarderont pas trop haut. Dès qu’on s’en approche, la vérité s’élève ; dès qu’on l’admire on s’en rapproche. Et si haut qu’ils se réjouissent, ils ne se réjouiront jamais dans le vide ni au-dessus de la vérité inconnue et éternelle qui est sur toute chose comme de la beauté en suspens.

IX

Est-ce à dire que nous nous attacherons aux mensonges, à une poésie volontaire et irréelle,