Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/243

Cette page a été validée par deux contributeurs.

VIII

« Et nous, se demande un poète, devrons-nous donc toujours nous réjouir au-dessus de la vérité ? »

Oui, à tout propos, à tout moment, en toutes choses, réjouissons-nous, non pas au-dessus de la vérité, ce qui est impossible puisque nous ignorons où elle se trouve, mais au-dessus des petites vérités que nous entrevoyons. Si quelque hasard, quelque souvenir, quelque illusion, quelque passion, n’importe quel motif en un mot, fait qu’un objet se montre à nous plus beau qu’il ne se montre aux autres, que d’abord ce motif nous soit cher. Peut-être n’est-il qu’erreur : l’erreur n’empêche point que le moment où l’objet nous paraît le plus admirable est celui où nous avons le plus de chance d’apercevoir sa vérité. La beauté que nous lui prêtons dirige notre attention sur sa beauté et sa grandeur réelles, qui ne sont point faciles à découvrir, et se trouvent dans les rapports que tout objet a nécessairement avec des lois, avec des forces générales et éternelles. La faculté d’admirer que nous aurons fait naître à