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suspens, comme ces sels insolubles qui ne s’ébranleront qu’à l’heure de l’expérience décisive. Il peut accepter une vérité inférieure, mais, pour agir selon cette vérité, il attendra, — durant des siècles, s’il est nécessaire, — qu’il aperçoive le rapport que cette vérité doit avoir à des vérités assez infinies pour envelopper et surpasser toutes les autres

En un mot, il sépare l’ordre moral de l’ordre intellectuel, et n’admet dans le premier que ce qui est plus grand et plus beau qu’autrefois. Et s’il est blâmable de séparer ces deux ordres, comme on le fait trop souvent dans la vie, pour agir moins bien qu’on ne pense ; voir le pire et suivre le meilleur, tendre son action au-dessus de son idée, est toujours salutaire et raisonnable, car l’expérience humaine nous permet d’espérer plus clairement de jour en jour, que la pensée la plus haute que nous puissions atteindre sera longtemps encore au-dessous de la mystérieuse vérité que nous cherchons. Au surplus, quand rien ne serait vrai de tout ce qui précède, il lui resterait une raison simple et naturelle pour ne pas encore abandonner son idéal humain. Plus il accorde de force aux lois qui semblent proposer l’exemple de l’égoïsme, de l’injustice et de