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tort que ce même esprit se demande aujourd’hui si son devoir n’est pas de chercher toute vérité, par conséquent les vérités morales aussi bien que les autres, dans ce chaos plutôt qu’en lui-même, où elles paraissent relativement si claires et si précises ?

Il ne songe pas à renier la raison et la vertu de son idéal consacré par tant de héros et de sages, mais parfois il se dit que peut-être cet idéal s’est formé trop à part de la masse énorme dont il prétend à représenter la beauté diffuse. À bon droit, il a pu craindre jusqu’ici qu’en adaptant sa morale à celle de la nature, il n’eût anéanti ce qui lui paraît être le chef-d’œuvre de cette nature même. Mais à présent qu’il connaît un peu mieux celle-ci, et que quelques réponses encore obscures, mais d’une ampleur imprévue, lui ont fait entrevoir un plan et une intelligence plus vastes que tout ce qu’il pouvait imaginer en se renfermant en lui-même, il a moins peur, il n’a plus aussi impérieusement besoin de son refuge de vertu et de raison particulières. Il juge que ce qui est si grand ne saurait enseigner à se diminuer. Il voudrait savoir si le moment n’est pas venu de soumettre à un examen plus judicieux ses principes, ses certitudes et ses rêves.