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accomplie, le ventre du mâle s’entr’ouvre, l’organe se détache, entraînant la masse des entrailles, les ailes se détendent et, foudroyé par l’éclair nuptial, le corps vidé tournoie et tombe dans l’abîme.

La même pensée qui tantôt, dans la parthénogenèse, sacrifiait l’avenir de la ruche à la multiplication insolite des mâles, sacrifie ici le mâle à l’avenir de la ruche.

Elle étonne toujours cette pensée ; plus on l’interroge, plus les certitudes diminuent, et Darwin par exemple, pour citer celui qui de tous les hommes l’a le plus passionnément et le plus méthodiquement étudiée, Darwin sans trop se l’avouer, perd contenance à chaque pas et rebrousse chemin devant l’inattendu et l’inconciliable. Voyez-le, si vous voulez assister au spectacle noblement humiliant du génie humain aux prises avec la puissance infinie, voyez-le qui essaie de démêler les lois bizarres, incroyablement mystérieuses et incohérentes de la stérilité et de la fécondité des hybrides, ou celles de la variabilité des caractères spécifiques et génériques. À peine a-t-il formulé un principe que des exceptions sans nombre l’assaillent, et bientôt le principe accablé est heureux de trouver asile dans un coin et