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combat de la sélection naturelle commence aussitôt entre les triongulins autour de l’œuf unique. Le plus fort, le plus habile, saisit son adversaire au défaut de la cuirasse, l’élève au-dessus de sa tête et le maintient ainsi dans ses mandibules des heures entières, jusqu’à ce qu’il expire. Mais pendant la bataille un autre triongulin resté seul ou déjà vainqueur de son rival, s’est emparé de l’œuf et l’a entamé. Il faut alors que le dernier vainqueur vienne à bout de ce nouvel ennemi, ce qui lui est facile, car le triongulin qui assouvit une faim prénatale, s’attache si obstinément à son œuf, qu’il ne songe pas à se défendre.

Enfin le voilà massacré et l’autre se trouve seul en présence de l’œuf si précieux et si bien gagné. Il plonge avidement la tête dans l’ouverture pratiquée par son prédécesseur et entreprend le long repas qui doit le transformer en insecte parfait, et lui fournir les outils nécessaires pour sortir de la cellule où il est séquestré. Mais la nature, qui veut cette épreuve de la lutte, a, d’autre part, calculé le prix de son triomphe avec une précision si avare, qu’un œuf suffit tout juste à la nourriture d’un seul triongulin. « De sorte, dit M. Mayet, à qui nous devons le récit de ces déconcertantes mésaven-