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le remède, et pour prévenir un accident fâcheux amènent une catastrophe ? — Dans la réalité — mais n’oublions pas que cette réalité n’est pas tout à fait la réalité naturelle et primitive, car dans la forêt originelle les colonies devaient être bien plus dispersées qu’elles ne le sont aujourd’hui, — dans la réalité, quand une reine n’est pas fécondée, ce n’est presque jamais faute de mâles, qui sont toujours nombreux et viennent de fort loin. C’est plutôt le froid ou la pluie qui la retiennent trop longtemps dans la ruche, et plus souvent encore ses ailes imparfaites qui l’empêchent d’accompagner le grand essor que demande l’organe du faux-bourdon. Néanmoins, la nature, sans tenir compte de ces causes plus réelles, se préoccupe passionnément de la multiplication des mâles. Elle brouille encore d’autres lois afin d’en obtenir, et l’on trouve parfois dans les ruchées orphelines deux ou trois ouvrières pressées d’un tel désir de maintenir l’espèce, que, malgré leurs ovaires atrophiés, elles s’efforcent de pondre, voient leurs organes s’épanouir un peu sous l’empire d’un sentiment exaspéré, parviennent à déposer quelques œufs ; mais de ces œufs, comme de ceux de la vierge-mère, ne sortent que des mâles.