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Mais la loi de l’avenir est si forte qu’aucune abeille n’hésite devant ces incertitudes et ces périls de mort. L’enthousiasme des essaims secondaires et tertiaires est égal à celui du premier. Lorsque la cité-mère a pris sa décision, chacune des jeunes reines dangereuses trouve une bande d’ouvrières pour suivre sa fortune et l’accompagner dans ce voyage, où beaucoup est à perdre et rien à gagner que l’espérance d’un instinct satisfait. Qui leur donne cette énergie, que nous n’avons jamais, à rompre avec le passé comme avec un ennemi ? Qui choisit dans la foule celles qui doivent partir, et qui marque celles qui resteront ? Ce n’est pas telle ou telle classe qui s’en va ou demeure, — par ici les plus jeunes, par là les plus âgées ; — autour de chaque reine qui ne reviendra plus, se pressent de très vieilles butineuses, en même temps que de petites ouvrières qui affrontent pour la première fois le vertige de l’azur. Ce n’est pas davantage le hasard, l’occasion, l’élan ou l’affaissement passager d’une pensée, d’un instinct ou d’un sen-