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tent une loi à laquelle l’autre loi qui l’anime doit céder.

Elle s’éloigne enfin, et sa colère inassouvie se promène de rayon en rayon, y faisant retentir ce chant de guerre ou cette plainte menaçante que tout apiculteur connaît, qui ressemble au son d’une trompette argentine et lointaine, et qui est si puissant dans sa faiblesse courroucée qu’on l’entend, surtout le soir, à trois ou quatre mètres de distance, à travers les doubles parois de la ruche la mieux close.

Ce cri royal a sur les ouvrières une influence magique. Il les plonge dans une sorte de terreur ou de stupeur respectueuse, et quand la reine le pousse sur les cellules défendues, les gardiennes qui l’entourent et la tiraillent s’arrêtent brusquement, baissent la tête, et attendent, immobiles, qu’il cesse de retentir. On croit d’ailleurs que c’est grâce au prestige de ce cri qu’il imite, que le Sphinx Atropos pénètre dans les ruches et s’y gorge de miel, sans que les abeilles songent à l’attaquer.

Deux ou trois jours durant, parfois cinq, ce gémissement outragé erre ainsi et appelle au combat les prétendantes protégées. Cependant celles-ci se développent, veulent voir à leur tour la lumière et se mettent à ronger les couver-