Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la discorde et à la mort d’envahir leurs demeures. Et, comme il arrive souvent dans la nature, ce sont les privilégiées de l’amour qui attirent sur elles les traits extraordinaires de la mort violente.

Parfois, mais le cas est rare, car les abeilles prennent des précautions pour l’éviter, parfois deux reines éclosent simultanément. Alors, c’est au sortir du berceau le combat immédiat et mortel dont Huber a le premier signalé une particularité assez étrange : chaque fois que, dans leurs passes, les deux vierges aux cuirasses de chitine se mettent dans une position telle qu’en tirant leur aiguillon elles se perceraient réciproquement, — comme dans les combats de l’Iliade, on dirait qu’un dieu ou une déesse, qui est peut-être le dieu ou la déesse de la race, s’interpose, et les deux guerrières, prises d’épouvantes qui s’accordent, se séparent et se fuient, éperdues, pour se rejoindre peu après, se fuir encore si le double désastre menace de nouveau l’avenir de leur peuple, jusqu’à ce que l’une d’elles réussisse à surprendre sa rivale imprudente ou maladroite, et à la tuer sans danger, car la loi de l’espèce n’exige qu’un sacrifice.