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est déjà reconnaissable, elle se retourne, introduit son aiguillon dans le godet, et frénétiquement le darde jusqu’à ce que la captive succombe sous les coups de l’arme venimeuse. Alors elle s’apaise, satisfaite par la mort qui met une borne mystérieuse à la haine de tous les êtres, rentre son aiguillon, s’attaque à une autre capsule, l’ouvre, pour passer outre si elle n’y trouve qu’une larve ou une nymphe imparfaite, et ne s’arrête qu’au moment où haletante, exténuée, ses ongles et ses dents glissent sans force sur les parois de cire.

Les abeilles autour d’elle, regardent sa colère sans y prendre part, s’écartent pour lui laisser le champ libre ; mais, à mesure qu’une cellule est perforée et dévastée, elles accourent, en retirent et jettent hors de la ruche le cadavre, la larve encore vivante ou la nymphe violée, et se gorgent avidement de la précieuse bouillie royale qui remplit le fond de l’alvéole. Puis, quand leur reine épuisée abandonne sa fureur, elles achèvent elles-mêmes le massacre des innocentes, et la race et les maisons souveraines disparaissent.

C’est, avec l’exécution des mâles, qui d’ailleurs est plus excusable, l’heure affreuse de la ruche, la seule où les ouvrières permettent à