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d’ouvrières. Ils sont habituellement groupés sur un même point, et une garde nombreuse et singulièrement inquiète et attentive, veille sur la région où flotte on ne sait quel prestige. C’est là que se forment les mères. Dans chacune de ces capsules, avant le départ de l’essaim, un œuf, en tout pareil à ceux dont sortent les travailleuses a été déposé, soit par la mère elle-même, soit plus probablement, bien qu’on n’ait pu s’en assurer, par les nourrices qui l’y transportent de quelque berceau voisin.

Trois jours après, se dégage de l’œuf une petite larve à laquelle on prodigue une nourriture particulière et aussi abondante que possible ; et voici que nous pouvons saisir un à un les mouvements d’une de ces méthodes magnifiquement vulgaires de la nature, que nous couvririons, s’il s’agissait des hommes, du nom auguste de la Fatalité. La petite larve, grâce à ce régime, prend un développement exceptionnel, et ses idées, en même temps que son corps, se modifient au point que l’abeille qui en naît semble appartenir à une race d’insectes entièrement différente.

Elle vivra quatre ou cinq ans au lieu de six ou sept semaines. Son abdomen sera deux fois plus long, sa couleur plus dorée et plus claire,