Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sait immédiatement tout ce qu’il faut savoir, et, pareille à ces enfants du peuple qui apprennent pour ainsi dire en naissant qu’ils n’auront guère le temps de jouer ni de rire, elle se dirige vers les cellules closes et se met à battre des ailes et à s’agiter en cadence pour réchauffer à son tour ses sœurs ensevelies, sans s’attarder à déchiffrer l’étonnante énigme de son destin et de sa race.

II

Pourtant, les plus fatigantes besognes lui sont d’abord épargnées. Elle ne sort de la ruche que huit jours après sa naissance, pour accomplir son premier « vol de propreté » et remplir d’air ses sacs trachéens qui se gonflent, épanouissent tout son corps et la font, à partir de cette heure, l’épouse de l’espace. Elle rentre ensuite, attend encore une semaine, et alors s’organise, en compagnie de ses sœurs du même âge, sa première sortie de butineuse, au milieu d’un émoi très spécial que les apiculteurs appellent le soleil d’artifice. Il faudrait plutôt dire le soleil d’inquiétude. On voit en effet qu’elles ont peur, elles qui sont filles de