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remplacent de leur mieux les absentes, effacent les traces de l’orgie, resserrent les provisions mises au pillage, vont aux fleurs, veillent sur le dépôt de l’avenir, conscientes de la mission et fidèles au devoir qu’un destin précis leur impose.

Mais si le présent paraît morne, tout ce que l’œil rencontre est peuplé d’espérances. Nous sommes dans un de ces châteaux des légendes allemandes où les murs sont formés de milliers de fioles qui contiennent les âmes des hommes qui vont naître. Nous sommes dans le séjour de la vie qui précède la vie. Il y a là, de toutes parts en suspens dans les berceaux bien clos, dans la superposition infinie des merveilleux alvéoles à six pans, des myriades de nymphes, plus blanches que le lait, qui, les bras repliés et la tête inclinée sur la poitrine, attendent l’heure du réveil. À les voir dans leurs sépultures uniformes, innombrables et presque transparentes, on dirait des gnomes chenus qui méditent, ou des légions de vierges déformées par les plis du suaire, et ensevelies en des prismes hexagones multipliés jusqu’au délire par un géomètre inflexible.

Sur toute l’étendue de ces murs perpendiculaires qui renferment un monde qui grandit, se