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que la vie, inattentives aux agonies dont les derniers gestes les frôlent et aux cris de détresse que l’on pousse autour d’elles. Et quand le rayon sera vide, pour que rien ne se perde, pour recueillir le miel qui s’attache aux victimes, elles monteront tranquillement sur les mortes et sur les blessées, sans s’émouvoir de la présence des unes et sans songer à secourir les autres. Elles n’ont donc, dans ce cas, ni la notion du danger qu’elles courent, puisque la mort qui se répand autour d’elles ne les trouble point, ni le moindre sentiment de solidarité ou de pitié. Pour le danger, cela s’explique, l’abeille ne connaît pas la crainte, et rien au monde ne l’épouvante, excepté la fumée. Au sortir de la ruche elle aspire en même temps que l’azur, la longanimité et la condescendance. Elle s’écarte devant qui la dérange, elle affecte d’ignorer l’existence de qui ne la serre pas de trop près. On dirait qu’elle se sait dans un univers qui appartient à tous, où chacun a droit à sa place, où il convient d’être discret et pacifique. Mais sous cette indulgence se cache paisiblement un cœur si sûr de soi qu’il ne songe pas à s’affirmer. Elle fait un détour si quelqu’un la menace, mais elle ne fuit jamais. D’autre part,