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LE CHIEN, haletant et hoquetant d’épouvante contenue.

Moi, je reste, je reste… Je n’ai pas peur… Je reste !… Je reste près de mon petit dieu… Je reste !… Je reste…

TYLTYL, caressant le Chien.

C’est bien, Tylô, c’est bien !… Embrasse-moi… Nous sommes deux… Maintenant gare à nous !… (Il met la clef dans la serrure. Un cri d’épouvante part de l’autre bout de la salle où se sont réfugiés les fuyards. À peine la clef a-t-elle touché la porte que les hauts battants de celle-ci s’ouvrent par le milieu, glissent latéralement et disparaissent, à droite et à gauche, dans l’épaisseur des murs, découvrant tout à coup, irréel, infini, ineffable, le plus inattendu des jardins de rêve et de lumière nocturne, où, parmi les étoiles et les planètes, illuminant tout ce qu’ils touchent, volant sans cesse de pierreries en pierreries, de rayons de lune en rayons de lune, de féeriques oiseaux bleus évoluent perpétuellement et harmonieusement jusqu’aux confins de l’horizon, innombrables au point qu’ils semblent être le souffle, l’atmosphère azurée, la substance même du jardin merveilleux. — Tyltyl, ébloui, éperdu, debout dans la lumière du jardin :) Oh !… le ciel !… (Se tournant vers ceux qui ont fui.) Venez vite !… Ils sont là !… C’est eux ! c’est eux ! c’est eux !… Nous les tenons enfin !… Des milliers d’oiseaux bleus ! Des millions !… Des milliards !… Il y en aura trop !… Viens, Mytyl !… Viens, Tylô !… Venez tous !… Aidez-moi !… (S’élançant parmi les oiseaux.) On les prend à pleines mains !… Ils ne sont pas farouches !… Ils n’ont pas peur de nous !… Par ici ! par ici !… (Mytyl et les autres accourent. Ils entrent tous dans le jardin éblouissant, hormis la Nuit et le Chat.) Vous voyez !… Ils sont trop !… Ils viennent