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me preſſant vn iour eſtrangement de luy dire pourquoy ie ne l’aimois pas ? ie luy reſpondis aſſez bruſquement, que c’eſtoit parce que ie ſçauois qu’il n’auoit iamais eſté aimé. En effet, luy dis-ie, Clidamis, quand ie voudrois vous aimer, ie ne l’oſerois : car en verité apres tous les malheurs que vous auez eus en amour, il me ſemble qu’il me ſeroit honteux d’eſtre plus indulgente qu’vne autre, ou moins difficile : & ie ſuis tellement incapable de vouloir faire ce que les autres ne font point, que ie ne me meſle iamais d’inuenter de mode à ma fantaiſie : iugez donc ſi ne voulant pas ſeulement porter vn Ruban que les autres ne portent point ; ie voudrois donner mon cœur à vn Galant malheureux, à qui on n’en a iamais donné ? C’eſt pourquoy ſi vous voulez que ie vous aime, faites vous aimer de quelque autre : afin qu’ayant